Historique

Deshaies, autrefois intégrée à la paroisse du Grand-Cul-de-Sac, était délimitée par la rivière Colas au sud et la rivière du Coing au nord. Cette paroisse comprenait les territoires actuels de Pointe-Noire, Deshaies, Sainte-Rose, Lamentin et Baie-Mahault. En 1671, Deshaies comptait 24 habitations, comme l'atteste un document de l'époque. M. de la Potterie (ou Potherie) y avait établi un moulin et une sucrerie à l'emplacement actuel du bourg. Le Sieur de la Pompe possédait également une sucrerie et une distillerie. Selon ce même document, le nom "Des Hayes", devenu Deshaies, proviendrait d'un autochtone qui donna son nom à la rivière et à l'anse du bourg. Cependant, une crise sucrière éclata en 1686, réduisant le nombre de moulins à Deshaies à seulement trois : deux dans le bourg et un à Ferry. En 1696, le père Labat visita Deshaies et décrivit la situation comme critique. La région était dépeuplée et l'économie en déclin : « Il n’y avait autre chose que du manioc, des pois, des patates, des ignames, du mil, du coton et du tabac. » Face à cette crise, la population de Deshaies se tourna vers les cultures vivrières et le petit élevage, des activités qui perdurent jusqu'à aujourd'hui. Deshaies fut également un refuge pour les flibustiers, grâce à ses anses profondes et protégées. De nombreuses habitations, dont celle de M. de la Poterie, furent pillées, poussant ce dernier à s'établir à Basse-Terre. Le centre de la paroisse n'était pas situé à l'emplacement actuel, mais à Grande-Anse, qui était au XVIIe siècle le centre religieux et administratif. Toutefois, il fut décidé de construire une église dans l'anse de Des Hayes, facilement accessible par canot. À cette époque, la population était déjà fortement métissée. Les mulâtres et les nègres libres participaient activement à la vie sociale du quartier.

Pendant la guerre de succession d'Espagne, Deshaies fut à plusieurs reprises envahie et pillée par les Anglais. Les corsaires utilisaient fréquemment l'anse des Hayes comme refuge. Après le retour de la paix, les habitants se réinstallèrent progressivement. En 1727, cinq sucreries étaient en activité. Cependant, en l'absence de routes praticables, les habitants devaient se rendre régulièrement à Basse-Terre pour se ravitailler. M. de la Poterie, revenu sur place, entreprit de réorganiser la paroisse. Le 1er avril 1730, le gouverneur décida de construire le bourg à son emplacement actuel. Toutefois, les habitants, trop pauvres, durent financer eux-mêmes la construction de l'église et du presbytère. L'église, dédiée à Saint-Pierre et Saint-Paul, fut finalement bénie en 1733. Le quartier de Deshaies resta isolé et dut faire face à plusieurs menaces extérieures : les Anglais, les corsaires et les esclaves marrons. Pour se défendre, de nombreuses milices furent formées. Les vestiges de cette époque, notamment des canons, sont encore visibles au Gros Morne, à la Pointe Batterie et à la Pointe Ferry. À la fin de l'Ancien Régime, la population de Deshaies se composait principalement de 726 esclaves (soit 80 % de la population), 137 personnes blanches et 54 personnes de couleur libres. L'économie locale reposait alors sur deux sucreries, la culture de la canne étant marginale par rapport à celle du café, du coton et du cacao. En 1789, avec la Révolution française, peu de données précises existent sur Deshaies. Cependant, il est connu que certaines habitations, dont celles de Guyonnot et de Gilliot, furent déclarées "nationales".

Pendant les hostilités avec les Anglais en Guadeloupe, Deshaies fut particulièrement touchée en raison de son isolement. Boyer-Peyreleau décrivit la situation en ces termes : "Son aspect est un des plus tristes de la colonie". En 1803, une bataille navale avec les Anglais eut lieu dans l'anse de Deshaies, suivie d'un pillage désastreux en 1804. À cela s'ajoutèrent la fièvre des marais et diverses épidémies, réduisant la population à 494 personnes en 1822. Les cultures étaient maintenues avec difficulté, et il ne restait plus qu'une sucrerie fonctionnant grâce à un moulin à eau. L'abolition de l'esclavage entraîna une transformation radicale des rapports sociaux. Malheureusement, les registres des nouveaux libres furent détruits lors de l'incendie du palais de justice de Basse-Terre en 1918. Toutefois, les registres conservés mentionnent les noms des plus importants propriétaires d'esclaves, dont le sieur Caillou junior, habitant de Grande Anse, est souvent cité. L'instruction fut un problème majeur de la seconde moitié du XIXe siècle. Malgré l'instauration de l'école obligatoire et gratuite, l'éloignement de Deshaies posait des défis. La première classe réservée aux filles date de 1854 et était tenue par Mme Bernier. En 1870, il n'y avait qu'un seul enseignant à Deshaies. Cependant, six ans plus tard, deux écoles furent ouvertes dans le bourg : une pour les garçons et une pour les filles. Le taux de scolarisation restait très bas, les écoles étant concentrées dans le bourg, une situation qui perdura jusqu'à la première moitié du XXe siècle.

En 1957, une route fut construite reliant Pointe-Noire à Deshaies, passant par Ferry, marquant ainsi le début de l'intégration progressive de la commune dans la modernité. Deshaies devint tristement célèbre en 1962 avec le crash du Boeing 707 de la compagnie Air France sur le Dos-d’Âne, dans le massif de Caféière. Cet événement dramatique marqua durablement la mémoire locale. Cependant, les années 60 apportèrent aussi des développements positifs. La construction de l’hôtel Fort-Royal permit à Deshaies de sortir de son isolement. Ce projet mit en lumière la beauté unique de son territoire, ouvrant la voie à un développement touristique qui valorisa les atouts naturels de la commune.